Demain, vieux, pauvres et malades
Livre du Docteur Sauveur Boukris aux Editions du Moment
Cet ouvrage publié au mois d’avril 2014 renforce le constat de l’Intersyndicale des Retraités des Alpes Maritimes, dont il renforce les conclusions. Ce docteur prend le temps d’énumérer les causes d’une crise en cours et essaie de définir les solutions pour éviter un véritable crash médical.
Pauvreté, isolement, solitude, sentiment d’inutilité sociale
Le docteur Boukris décrit donc les maux qu’il observe depuis son cabinet de consultation. Etre médecin, ce n’est pas seulement soigner des personnes… C’est aussi s’occuper des causes des maladies et des facteurs déclencheurs. Il peut s’agir de causes biologiques, génétiques, mais aussi celles liées à l’environnement, au mode de vie (stress, conditions de travail), ou à l’histoire personnelle (chômage, précarité).
La salle d’attente d’un médecin regroupe l’ensemble des situations humaines : toutes les catégories sociales, nationalités, religions, tranches d’âge. Le point commun entre les patients est leur souffrance physique, psychologique ou sociale. Le médecin est un observateur des bouleversements sociaux. Mais aussi de la société qui bouge et qui change.
Le vieillissement provoque une telle augmentation des maladies chroniques et de leur coût, qu’il existe un lien entre pauvreté et maladie : la pauvreté rend malade et la maladie rend pauvre. La solitude accroit tous ces risques : c’est la triple peine. Alors que les nombreux débats suivent l’évolution des régimes de retraite, on s’inquiète peu la qualité des années de retraite. Or être retraité, c’est voir sa santé décliner comme son revenu. Après 65 ans le risque de dépendance est de 40%. La solitude augmente avec l’âge. A un âge avancé on n’ose pas demander de l’aide. On se replie sur soi et les sentiments dépressifs prennent le dessus.
Le temps de la vieillesse n’est pas celui de la sérénité. Maladie, perte d’autonomie, deuils, concernent de plus en plus les retraités.
La nouvelle donne
Loin des discours des médias centrés sur quelques personnalités exemplaires pour leur longévité : d’Ormesson, Robert Marchand, la réalité est toute autre. Si l’on vit plus longtemps c’est aussi en moins bonne santé. Depuis l’an 2000 une nouvelle tendance est remarquée par les enquêtes sur la qualité de vie des retraités. La tendance aux Etats-Unis, au Canada et en Suède montre une aggravation des maladies chroniques à trente ans de distance :
- 43% de la tranche d’âge de 46 à 64 ans souffre d’hypertension contre 23%, la génération précédente,
- 73,5% d’entre eux ont une hypercholestérolémie, contre 34% précédememnt,
- 15% de diabétiques succèdent à 12%.
Ce phénomène est accentué chez les femmes dont l’espérance de vie a progressé d’une année et demie, tandis que leur espérance de vie en mauvaise santé est passée à deux années. Un cadre a aussi plus d’avenir en bonne santé qu’un ouvrier…
Fin 2012, plus de 10 millions de personnes souffrent en France de maladies chroniques. Ce nombre augmente de 2 à 4% par an. Entre 2008 et 2012, un million de personnes sont venues augmenter la cohorte, avec un âge moyen de 62 ans. A 70 ans, l’insuffisance cardiaque et l’hypertension s’ajoutent au diabète et aux cancers. A 80 ans se sont les causes rhumatismales et les risques de fractures, dont les chutes provoquent 30% de décès au de là de 80 ans.
L’extension de la pauvreté
Avec moins de 1 000 euros par mois, 15% de la population est concernée. La crise économique de 2008 vient renforcer ces tendances avec 41% de français qui ont connu la précarité au cours de leur vie selon l’IPSOS.
Le nombre de personnes âgées sollicitant une aide des organisations caritatives progresse tous les ans. Le nombre de repas distribués par les Restaurants du cœur est passé de 8,5 millions en 1985 à 120 millions en 2013.
Nos organisations ont fait le même constat :
http://dirpareferences.over-blog.com/2014/05/augmentation-de-la-pauvrete-14-des-habitants-du-06.html
La progression du sentiment de solitude
En 2010, le gouvernement Fillon lance un plan de lutte contre la solitude en disant : « La solitude est un facteur de marginalisation et de pauvreté qui porte directement atteinte aux valeurs de solidarité qui fondent notre pacte social ». En 2014 un autre gouvernement lance le programme « Mona Lisa » dont les objectifs sont identiques. http://dirpareferences.over-blog.com/2014/03/monalisa-isolement-et-solitude-un-mal-fran%C3%A7ais.html
En 2013, 39% des personnes interrogées n’on aucun contact avec leur famille. Les pauvres ont naturellement moins de relations familiales.
On ne s’étonnera pas de l’évolution du nombre de suicides. Alors que ce taux est de 6,5 (pour 100 000 personnes) pour les jeunes, il s’élève à 29,5 entre 75 et 84 ans, à 39,5 au-delà de 84 ans.
Des propositions pour éviter le pire
Une deuxième partie du livre est consacrée au devenir des personnes âgées si l’on désire éviter un crash sanitaire et social sans précédent. Après avoir traité des maisons de retraite et de l’économie des « seniors », il présente ses étonnements.
La Dépendance : plus on en parle et moins on agit. Comment peut-on rester dans l’impasse actuelle sans trouver la moindre solution ? Une assurance dépendance doit être instaurée le plus vite possible.
Il dénonce le numérus-clausus abusif imposé par Alain Juppé suite au rapport Chaussat en 1997. A l'époque il y a trop de médecins : pour en diminuer le nombre des aides au départ sont instaurées. Grâce à ces décisions nous devons désormais importer des médecins, tandis que leur répartition géographique accroît les inégalités de traitement. C’est à la suite de la canicule de 2003, que l’on découvre l’insuffisance du nombre des médecins. Il faut désormais recruter à l’étranger, des médecins, mais aussi des infirmières…
Nous avons publié ce rapport de l’OCDE qui était accablant. Avec 6 médecins pour 100 000 habitants, nous sommes lanterne rouge derrière le Portugal, qui en aligne deux fois plus et derrière les Pays Bas qui en ont trois fois plus.
Conclusion
La lecture de cet ouvrage facile à lire s’impose à qui veut connaître la situation actuelle des vieux dans notre pays.
Guy Muller DIRPA