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La ruée vers l'or gris

par Guy Muller 8 Décembre 2014, 16:31 Notes de lecture

 

La 5, vient de consacrer deux soirées à la diffusion du film « La ruée vers l’or gris ». Ce film de Magali Cotard a été tiré du livre qui porte le même titre "L'or gris" sorti en 2011 et écrit par le journaliste François Nénin, avec une aide soignante, Sophie Lapart et un gendarme qui enquête sur la maltraitance, Christophe Fernandez. Malheureusement les diffusions ont été effectuées les 10 juillet et le 7 août à 00h 34… des heures impossibles. Les personnes âgées en maisons de retraite privées sont au centre d'un marché florissant que se disputent de grands groupes : enquête dans les Alpes-Maritimes.

 

 

 

L’Or gris : le dossier noir des maisons de retraite

De François Nénin et Sophie Lapart

Note de lecture de l’ouvrage publié fin avril 2011

 

Le business de l’or gris

Le livre "L’Or gris" présente en quelque sorte les dévoiements d’un marché qui est celui de l’hébergement en maison de retraite. Ce marché dont les fleurons sont cotés en bourse est assuré, selon les analystes financiers, d’une progression régulière de ses profits. Les maisons de retraite : Orpéa, Médica, Korian, Le Noble Age, sont les nouvelles valeurs de croissance de la bourse, assurées d’une progression de leur chiffre d’affaires de 10% par an. Les responsables de ces institutions ont l’œil rivé sur leurs indicateurs économiques ce qui conduit souvent à des pénuries de personnel, à des glissements de responsabilités, à l’exigence de commissions occultes de prestataires extérieurs. Le livre dessine alors l’économie souterraine des EHPAD et les pas de porte exigés des intervenants extérieurs : professions libérales, ambulanciers, pédicures, coiffeurs, animateurs, pompes funèbres. L’achat de médicaments dans une pharmacie éloignée est même cité comme générant des commissions.

La faiblesse numérique du personnel encadrant les patients est à l’origine de la maltraitance institutionnelle. La France détient un record peu honorable en Europe avec le taux le plus faible d’encadrement 5 à 6 employés contre10 dans d’autres pays tels que la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne.

 

Voyage au cœur de la maltraitance

Le turn over du personnel nous informe pour chaque maison de l’absence fréquente de sélection de volontaires qualifiés pour occuper ces fonctions. En ces temps de chômage massif, les recrutés deviennent vite volatils et prêts à rejoindre d’autres structures : restauration, hôtellerie, etc. Lorsque l’on doit effectuer dix ou quinze toilettes consécutives tous les matins, le relationnel avec les résidents devient inexistant. Au moment des repas comment dominer une situation sans en venir au gavage ou à l’abandon de la personne, lorsque l’effectif est insuffisant ? Une situation quelquefois aggravée par l’absence d’un remplacement.

L’agitation des malades leurs déambulations peuvent parfois gêner. Aussi le recours à des médications puissantes (les neuroleptiques), donne aux salons et salles de réception, la vue de personnes végétatives et sans réflexes.

François Nénin estime qu’une seule maltraitance en institution en cacherait beaucoup d’autres. En conséquence, 70% des cas se situeraient en maison de retraite, contre 30% au domicile.

 

Un secteur sans contrôle

Le rédacteur du livre nous décrit l’ambiance dans laquelle il a progressé dans ses investigations. L’omerta qui règne dans le secteur des maisons de retraite recèle plusieurs aspects ce qui rend difficile les actions correctrices. Les médias sont peu intéressés par la maltraitance et ont refusé toute insertion des dossiers présentés par Monsieur Nénin (pourtant journaliste à Nice Matin). France Soir, Médiapart, refusent leurs colonnes. « Le thème de la vieillesse rebute, il fait peur, il dégoute, il culpabilise aussi. Chacun a dans son placard un vieux qu’il va peu voir, ou en tout cas, pas assez. Parce que c’est loin, parce que c’est triste. Ce sujet nous oblige à nous projeter dans nos angoisses de la dépendance et de la déchéance physique, psychologique et intellectuelle. C’est une dernière étape avant la mort, un autre sujet lui aussi très caché.

L’absence de contrôles découle aussi des pressions subies par les journalistes enquêteurs qui sont dissuadés de traiter ce thème. Et lorsqu’ils le font à l’aide de caméras cachées ils doivent s’en justifier comme une émission de télévision a pu le prouver.

Toujours est-il que l’opinion publique est majoritairement hostile à la perspective de finir son existence dans une maison de retraite. Ce sujet a d’ailleurs préoccupé le SYNERPA (organisme qui regroupe les maisons de retraite) lors de son dernier congrès à Nice.

 

Le témoignage de Sophie Lapart

Sophie était aide-soignante et référente en matière de bientraitance dans une institution où elle est restée 15 mois. Dès son arrivée elle constate la démotivation du personnel et un planning horaire fou destiné aux résidents. Le sous effectif conduit l’équipe de jour à déléguer des tâches à l’équipe de nuit. C’est ainsi que les toilettes commencent à 4 heures vingt du matin. Ce programme de la journée ne respecte en rien le confort des personnes âgées. En pleine nuit le ménage est fait. Il n’y a pas de toilette approfondie, des soins de bouche trop rares. Faute de temps les transferts du lit au fauteuil deviennent rares.

Quelques cas servent à décrire une situation. Ainsi sous le titre « Michel » une description de la mise en place d’une camisole chimique est détaillée. Hospitalisé pour des troubles mentaux l’étiquette Alzheimer lui est infligée. Il est certes agressif, mais n’a jamais été informé du décès de sa femme. Sa propre fille ne lui a rien dit. Michel pose la question d’une façon lancinante du matin au soir. Son agressivité augmente, la camisole chimique entre en action. Une réunion est organisée avec la psy pour l’informer, mais la psy part en congés… La directrice lui annonce le décès en présence de la fille et de son gendre. Michel finit par se replier dans sa chambre, ne prend plus de repas, ne parle plus du tout. Il devient inexistant.

Les pensionnaires de maisons de retraite sont les plus grands consommateurs de calmants : 65% en institution, contre 35% à domicile. Le sirop d’Atarax coule à flot dans certaines structures. Plus le personnel est réduit, plus on en consomme.

Plusieurs autres situations sont décrites par Sophie Lepart qui avoue son désarroi pour améliorer les choses. Elle se heurte à de nombreuses reprises à un personnel démotivé.

A la suite d’un accident de service, elle quittera définitivement, l’univers des maisons de retraite.

 

Je recommande chaleureusement la lecture de cet ouvrage qui exprime bien la situation actuelle par une sorte de démission des contrôles de l’Etat.

Faut-il baisser les bras pour autant ? Nous connaissons des responsables de maisons de retraites et des autorités publiques qui œuvrent dans le bon sens. Des expériences sont en cours au Canada, « l’Humanitude » exprime au autre courant de pensée, qui progresse. Enfin des bilans réguliers sous la forme d’auto-évaluations des pratiques internes aux maisons de retraite peuvent offrir la possibilité de redresser la barre. Ces évolutions favorables aux résidents sont traitées dans nos colonnes. Les Directives de l’ANESM mettent de l’ordre dans ce domaine en établissant des constats et en suivant dans le temps les progrès réalisés.

Une bonne partie de notre Conférence de presse de juin 2014 a été consacrée à informer les familles sur leurs droits. Il ne faut pas oublier la responsabilité des familles et de ceux qui placent les résidents, dans leur devoir de contrôle et de participation, au fonctionnement des conseils de résidents. C’est le délaissement des vieux par tous qui génère les vices et abus décrits dans l’Or gris.

 

La ruée vers l'or gris
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commentaires
G
COMME D' HAB. MAGNIFIQUE ET J'ADORE MERCI...
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