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Des livres pour les Retraités

par Guy Muller 11 Août 2019, 12:09 Les auteurs de REFERENCE

 

La période estivale devrait offrir la possibilité aux Retraités et Personnes Agées de se constituer des sources d'information sur leur place dans la société. En effet,  les lobbys, sont naturellement admis et invités à s’exprimer sur la place publique…  Pendant que les retraités, du fait de leur situation « en retrait », pèsent peu dans l’actualité. Ils doivent plutôt subir des injonctions à vivre cachés, compte tenu du traitement médiatique dont ils font l’objet.

C’est la raison pour laquelle, les Retraités doivent intégrer une autre vision que celle qui leur est imposée : celle d’inutiles coûteux et privilégiés. Car la dégradation de leur situation est organisée savamment par sept réformes successives des Retraites. L’objectif des pouvoirs publics est de donner aux retraités de moins en moins par rapport à l’évolution du PIB. Autrement dit 25% de la population doit accepter de voir son poids réduit de 14 à 12% par l’accumulation des réformes. Afin de parvenir à ce résultat, il convient d’affaiblir la défense de retraités en les montrant user de privilèges : tourisme, nombreuses escapades en croisières, accumulation de résidences et d’actifs en bourse. Le problème est que cette désinformation ne concerne qu’une petite frange des Retraités : 1,5% tout au plus.

 

La guerre des Ages vue par Jérôme Pellissier  

C’est Jérôme Pellissier qui a décrit dans plusieurs ouvrages la façon insidieuse dont on traite du cas des seniors. C’est pour cette raison que la lecture du dernier de ses ouvrages permet aux seniors de connaître les thèses de l’ennemi. Dans ce livre il affirmait que la crise économique favorisait la recherche de boucs émissaires. De nombreuses déclarations politiques dénoncent : la « déferlante des vieux » où les vieux sont stigmatisés par de nombreux clichés. Les vieux seraient trop nombreux L’âgisme tout comme le racisme est une façon de fractionner la société. Ils ont d’ailleurs certains arguments en commun.

 

La guerre des âges ne connait pas d’armistice. Un pilonnage permanent émane des médias qui en font un maximum afin de déconsidérer les retraités. En première page de l’Express la caricature suivante résume la permanence et l’outrance du procédé. On ignore les six (bientôt sept) réformes des retraites, le blocage des indexations, la suppression de la demi-part des veuves et veufs, les transferts de CSG…

Des livres pour les Retraités

Toutefois il y a une différence importante au niveau du slogan. En matière d’immigration, nous avons des frontières, et donc un statut de l’immigré/émigré. Pour les vieux, la frontière/âge ne peut servir de preuve définitive du fait de l’allongement de la durée de vie au travail. Ainsi, paradoxalement, lorsque la frontière passe de 60 à 65, 70 ou 75 ans, les vieux sont moins nombreux. Jérôme Pellissier, par de multiples calculs, prouve que le glissement continu de cette frontière contribue à maintenir stable le nombre de vieux, d’autant plus que 35% ont disparu avant d’atteindre 75 ans. En 2050, il y aura un tiers de personnes de 0 à 30 ans, un autre tiers de 30 à 60 ans, un dernier tiers de plus de soixante ans. Or d’ici là la frontière aura changé car elle est déjà déplacée à 67 ans pour les régimes de retraite. Faut-il regretter la situation du début du 19ème siècle où un enfant sur deux mourait avant 10 ans et où un jeune adulte sur deux était à 21 ans orphelin de ses parents ?

Jérôme Pellissier dénonce bien des attitudes de la vie courante qui montrent le peu d’élégance manifesté par certains actifs, sûrs de leur productivité, de leur importance dans la société. Il décrit d’ailleurs le comportement de vieux civilisés dans un compartiment de voyageurs vis-à-vis de personnes absorbées par leurs grilles de Sudoku (ou par leurs tablettes et portables). Ces personnes parcourent des centaines de kilomètres sans observer la nature et sans porter le moindre regard sur leurs compagnons de voyage. Ils enchaînent grille sur grille, page après page comme des robots.

Des livres pour les Retraités
Des seniors et des hommes de Jean-Michel Galy
La retraite serait donc proche du Nirvana au contraire du pot de départ du film Mammuth beaucoup plus réaliste dans sa démonstration. En réalité la retraite est vécue très différemment selon nos aptitudes à modifier notre comportement, selon notre niveau de pouvoir d’achat aussi. Les deux représentations peuvent coexister simultanément dans toute la population des retraités.

Il y apporte la propre musique de son expérience. Il s’en prend tout d’abord à l’image projetée par la sémantique sur la retraite. La retraite est donc le retrait, l’inutilité sociale, la charge au plan des pensions. Bref, les vieux font du mauvais gras aux dépens des actifs. Il décrit aussi certains poncifs selon lesquels les vieux seraient des cumulards de satisfactions. Budgétivores, ils se promèneraient dans une retraite dorée entre gastronomie, voyages et spectacles. En conséquence il confère un statut enviable aux retraités alors que cette existence de rêve est l’apanage d’une minorité.

Mais il est bon de rappeler la place des phantasmes érigés en valeurs premières. L’emploi de lunettes déformantes agit aussi à l’égard des seniors qui se voient tels que les autres les voient. Ils cherchent en conséquence à réparer les outrages de l’âge et à présenter à la société le meilleur visage possible. Ils y sont aidés par la publicité qui leur vante baumes, régimes amaigrissants, chirurgie esthétique. Le jeune est par définition l’exemple à suivre…

En tant qu’observateur attentif de la civilisation hellénique, il oppose les sociétés qui font de la tradition une vertu, à celles qui privilégient l’innovation. Au lieu que le passé tienne lieu d’exemple, la modernité modifie les comportements en prônant la table rase. Le passé devient donc un folklore inutile et embarrassant. D’autant plus qu’il impose de nouvelles façons de vivre et de communiquer qui structurent un fossé entre générations. Non seulement les gérontes sont vieux et moches, mais en plus ils sont incapables d’assimiler les innovations notamment dans le domaine de la communication. A l’ère du numérique ils hésitent à abandonner les vinyles, cassettes, blocs-notes. Un seul naufrage ne leur suffit pas : échoués au plan de leur physique ils le sont aussi au plan de l’intellect. Ils sont bien retraités, c'est-à-dire en retrait définitif.

Après des réflexions sur la « nouveauté » présentée par un important temps à vivre et à se construire différemment, il défend une autre vision des choses. Au lieu de vouloir que le senior singe le jeune il préconise des plans d’action qui sont autant de plans de survie. « Comme il n’y a pas de vent favorable à qui ne sait où il va », il décrit une vie possible dont il en décrit les axes. Non sans avoir dénoncé le laisser-aller de certains seniors qui jettent l’éponge au plan vestimentaire et diminuent le nombre de contacts. Au bout de ce chemin de solitude il y a aussi un plan de déréliction pleinement assumé par certains.

Remplir une deuxième vie suppose une révolte, un surpassement, une volonté de survivre en changeant l’orientation de son existence. C’est donc la possibilité qui est offerte à chacun de réaliser ses rêves, avec la fin de toute subordination au travail. Il faut concrétiser enfin ce que l’on se promettait de réaliser alors que le joug du travail pesait au quotidien sur nos choix. Or ce joug laisse des traces psychologiques en induisant un comportement où l’initiative individuelle à sinon disparu, du moins imprimé un comportement d’asservissement à la volonté d’autrui. La retraite devient donc un apprentissage qui nécessite une organisation de son futur. Les séminaires de préparation à la retraite expliquent qu’une préparation est indispensable pour se projeter à 5 ou 10 années dans le futur. La retraite intègre un véritable plan d’action au plan de la réalisation de ce que l’on se promettait d’accomplir au temps de sa servitude…

Monsieur Galy entame alors une réflexion qui distingue les activités conduites pour passer le temps, d’autres activités plus impliquantes. D’où sa polarisation sur le chant, la danse, la gymnastique en tant qu’éléments de sociabilité et de rencontre entre seniors. En fait pour danser il faut s’habiller, se coiffer, aller vers les autres. Agir en commun pour sortir de sa coquille. Monsieur Galy développe aussi l’implantation d’appareils de training dans les parcs de la ville. Si l’on y ajoute la création d’un espace d’apprentissage du Taï Chi sur le parvis du musée des Arts asiatiques il déploie tout ce qu’il est possible d’offrir à ses concitoyens.  Le responsable politique qu’il est, occupe pleinement le terrain d’un laboratoire où les actes deviennent conformes aux promesses. Au terme d’une démarche assurée et assumée, notre auteur démontre qu’il est possible de passer de la théorie à la pratique. Bien des spécialistes des personnes âgées feraient bien d’en prendre de la graine. Je pense ici à quelques membres du Coderpa qui étaient totalement hostiles à une telle démarche au prétexte que les exemples asiatiques étaient difficilement importables à Nice. Pourtant la température moyenne de notre ville offrait de nombreuses potentialités à ces exercices déployés en plein air. Et, le nombre de seniors rassemblés en un même lieu, témoigne d’une force et d’une exemplarité, qui oblige à tenir compte de leur existence. En se déployant ils augmentent leur visibilité et donc leur considération. Aujourd’hui tous les jardins de la ville de Nice programment des séances de gymnastique en plein air un jour par semaine.

Ils oblitèrent une vision dévalorisante et fausse entretenue par le jeunisme ambiant. Car moins de 15% des personnes âgées terminent leur vie en maison de retraite !! Bien des signes de déchéance : drogue, alcoolisme, incivismes (dont le bruit), appartiennent en effet à d’autres catégories de personnes.

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