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Les conclusions des deux rapports parlementaires sur la gestion de la Covid 19

par Guy Muller 14 Décembre 2020, 17:18 Les sites de REFERENCE

Les conclusions des deux rapports parlementaires sur la gestion de la Covid 19

 

Le rapport des Députés

 

« Notre système de santé a été débordé »

Pour Eric Ciotti, rapporteur de la commission d’enquête sur la Covid, la France n’était pas préparée à cette crise. Un entretien publié par le quotidien le Monde dresse un premier bilan des auditions entamées à la mi-­juin. Son rapport final est attendu pour décembre.

 

Y a­-t-­il eu des tris de patients ?

Le discours officiel affirme que l’hôpital a tenu et que notre système de santé a résisté. C’est vrai que les soignants ont été formidables. Mais, au regard de ce que nous avons appris au cours des auditions, je nuance beaucoup cette approche. Oui, l’hôpital s’est adapté, mais à quel prix ? Il y a eu d’abord une déprogrammation massive des soins hors Covid, dont on mesurera plus tard les conséquences.

Il y a eu, ensuite, une forme de régulation qui, sans le dire, a privé d’accès à l’hôpital des personnes âgées, notamment les résidents des Ehpad. La commission a réclamé des données chiffrées auprès de la DGS. Nous venons de les recevoir, ces chiffres sont éloquents. Au pic de la crise, début avril, le nombre des personnes âgées de plus de 75 ans admises en service de réanimation chute brutalement. Nous passons de 25 % en moyenne (à la même période, au cours des années précédentes) à 14 % pendant la crise, et même à 6 % en Ile ­de ­France.

 

Le manque de moyens des personnels a amplifié la crise

Notre système a donc bel et bien été débordé. On a réduit les chances des personnes âgées. Beaucoup auraient pu vraisemblablement être sauvées. C’est grave. Les personnes âgées auraient­-elles été les sacrifiées de cette crise ? Très clairement, les Ehpad et les services de soin et d’aide à domicile ont été les parents pauvres de la crise. De nombreux témoins, notamment des médecins coordonnateurs, ont déploré l’absence de matériel de protection dans les Ehpad au début de la crise. Au début, les tests n’étaient faits qu’à l’hôpital, avec une mise à l’écart des laboratoires privés. Et c’est le 15 qui a primé, marginalisant 60 000 médecins libéraux. Il y a, début mars, une forme de retard dans toutes les décisions. La gravité de la crise n’a pas été prise en compte assez tôt.

 

Nos faiblesses structurelles demeurent. Il faut adapter de façon pérenne nos réanimations. Nous devons également renforcer d’urgence la médicalisation de nos Ehpad, dont le modèle, je crois, doit être entièrement repensé.

Le rapport du Sénat

C’est l’histoire d’un virus, que personne n’a vu venir. C’est aussi l’histoire d’un pays – la France – qui s’est retrouvé totalement désarmé, quand il a fallu faire face à ce virus. La commission d’enquête du Sénat « pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion » rend son rapport ce jeudi 11 décembre, une semaine après celui de l'Assemblée nationale.

Après six mois de travaux, cet imposant rapport de 452 pages, est impressionnant par sa richesse et sa précision (voir l'intégralité du rapport). Une somme d’informations, issue de 102 heures d’auditions pour 133 personnes entendues par le président Alain Milon (LR) et le vice-président de la commission, René-Paul Savary (LR), ainsi que les rapporteurs Bernard Jomier (PS), Catherine Deroche (LR) et Sylvie Vermeillet (UC).

Le rapport analyse avec précision comment la France s’est retrouvée démunie en nombre de masques. Il révèle le rôle majeur qu’a joué l’actuel directeur général de la santé, Jérôme Salomon, dans ce « fiasco ». Puis les errances du ministre de la Santé, Olivier Véran, pour reporter la responsabilité sur les gouvernements passés, et ne pas reconnaître la pénurie.

 

Disparition des stocks de FFP2 : une interprétation contestable de la nouvelle doctrine, guidée par une logique budgétaire

« La pénurie de masques restera le triste symbole de l’état d’impréparation du pays et du manque d’anticipation des autorités sanitaires face à la crise » résument les sénateurs. Ils rappellent des éléments déjà connus sur le changement de doctrine intervenu en 2013, sous Marisol Touraine, et amorcé en 2011, quand Xavier Bertrand était ministre de la Santé. « De 2011 à 2016, le stock stratégique de masques FFP2 est passé de 700 millions d’unités à 700 000 ». Un « assèchement » justifié par ce changement de doctrine du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). « Or, les interprétations qui en ont été faites sont contestables : aucun de ces documents ne suggère l’abandon d’un tel stock » soulignent les sénateurs. Par ailleurs, « Selon Xavier Bertrand, une logique budgétaire et court-termiste aurait présidé à ce choix » peut-on lire dans le rapport. L’absence d’anticipation a contraint l’État à payer les masques jusqu’à 30 fois plus qu’en temps normal.

Masques Chirurgicaux : bien qu’alerté, Jérôme Salomon a choisi de ne pas reconstituer les stocks, sans en informer Agnès Buzyn, et a fait « modifier a posteriori les conclusions d’un rapport d’expert »

Sur la question du faible stock de masques chirurgicaux, les sénateurs chargent clairement Jérôme Salomon, le directeur général. Bien qu’alerté en 2018 par Santé publique France (SPF) que 600 millions de masques sont déclarés non-conformes, que fait le directeur général de la santé (DGS) ? Il décide de ne commander que 50 millions de masques, s’étonnent les sénateurs.

Deux éléments de gravité encadrent cette décision. Jérôme Salomon n’a « pas informé la ministre » de la Santé, Agnès Buzyn. Prendre une telle décision sans en référer à la ministre est pour le moins étonnant.

Mais ce n’est pas tout. Selon le rapport de la commission d’enquête, le DGS « a modifié un rapport scientifique a posteriori pour justifier sa décision ». Une accusation qui s’appuie sur un échange de mails, obtenu par les sénateurs, entre le directeur général de la santé et celui de Santé publique France, François Bourdillon, au sujet d’un rapport d’expert. Cet expert, c’est Jean-Paul Stahl, professeur de maladies infectieuses au CHU de Grenoble.

« L’analyse de courriels échangés entre la direction générale de la santé et Santé publique France atteste d’une pression directe de M. Salomon sur l’agence afin qu’elle modifie la formulation des recommandations de ce rapport avant sa publication au grand public » dit le rapport sénatorial.

Les conclusions des deux rapports parlementaires sur la gestion de la Covid 19

Dans les EHPAD

 

UN SECTEUR DÉPOURVU DES OUTILS DE PILOTAGE RÉPANDUS À L’HÔPITAL

 

Un suivi des Ehpad resté défaillant : des outils de suivi épidémiologique rudimentaires. Entré en France le 24 janvier 2020, le coronavirus ne s’est pas diffusé moins vite dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) que dans le reste de la population. Aux tout premiers jours de mars, alors que la France déplorait plus de 200 cas et plusieurs morts, plusieurs dizaines de cas possibles de covid-19 y étaient déjà signalés. Les remontées d’informations sont dans ces circonstances, pour reprendre les termes mêmes de la DGCS, le « nerf de la guerre ». Or si les hospitalisations de la population générale ont été scrupuleusement suivies par le ministère de la santé à compter des premiers cas recensés le 24 janvier – de personnes revenant de Chine – le premier système de surveillance national de la situation en Ehpad n’a été opérationnel qu’à la fin mars, et les premières informations rendues communicables au public que le 2 avril. Avant cette date, il n’est pas excessif de dire que les départements et les ARS ont bricolé avec leurs propres outils de suivi. Santé publique France a indiqué à la commission d’enquête qu’à partir de la mi-mars, plusieurs cas groupés de covid dans les établissements médico-sociaux avaient été détectés. Ces signalements n’ont pour autant pas fait l’objet d’un signalement sur le portail des événements indésirables (PSIG) du ministère chargé de la santé pour les cas groupés d’infections respiratoires, qui est un système non adapté, selon elle, aux signalements ni au suivi quotidien des épisodes de cas groupés de covid.

 

Des fragilités de fonctionnement pourtant connues

La crise de la covid-19 a en outre agi comme révélatrice d’un certain nombre de faiblesses structurelles des établissements français accueillant des personnes âgés, dont la liste a été une nouvelle fois, après divers travaux parlementaires, dressée à l’été dernier par la mission confiée par la DGCS à Mme Anne Burstin : - une exacerbation de la fragilité chronique en ressources humaines : « la conjonction d’une charge en soins exceptionnelle et d’une moindre disponibilité d’équipes juste dimensionnées a constitué un point de rupture dans des structures à forte intensité en personnel » ; - l’adéquation très inégale des moyens médicaux, dont témoigne par exemple la très hétérogène couverture en médecins coordonnateurs. Si environ 8 % des médecins généralistes exercent aujourd’hui la fonction de médecin coordonnateur en Ehpad, près d’un tiers des établissements en restent dépourvus ; - l’appui très inégal en infirmiers, notamment de nuit, les expérimentations récentes n’ayant pas été déployées sur tout le territoire ; - la vulnérabilité du management, particulièrement dans les petits établissements isolés et mal insérés dans un réseau plus large de ressources sanitaires, encore trop nombreux ; - la maîtrise encore insuffisante des enjeux spécifiques d’hygiène en situation de crise, ceux-ci ayant nécessité un appui en expertise pour les mesures barrières, la désinfection ou le circuit du linge ; - un accès parfois problématique aux dispositifs médicaux –échographes portables, saturomètres ou tensiomètres – et aux médicaments ; - la conception architecturale et fonctionnelle souvent mal adaptée des Ehpad, le bâti des établissements anciens étant souvent peu propice à la constitution de sous-ensembles de vie autonomes préservant de la contagion, sans parler du maintien de chambres non individuelles. D’une manière générale, la connaissance de l’épidémie dans le secteur médico-social est encore faible.

 

« Retard à l’allumage » sur les tests puis politique « d’affichage »

Les tests, c’est l’autre grand loupé, avec les masques, de cette crise. Après un sérieux « retard à l’allumage par rapport à un pays comme l’Allemagne dans le déploiement des tests », les choses ont eu du mal à s’améliorer.

« S’il faut saluer l’effort d’investissement des acteurs et le saut quantitatif dans les capacités à tester qu’il a permis de réaliser », saluent les rapporteurs, « l’affichage d’un nombre de tests toujours plus élevé a occulté, à la fin de l’été et au mois de septembre, l’embolisation des laboratoires ». Les sénateurs ajoutent : « Victime de son succès, la politique de tests, désorganisée, n’a pas permis d’endiguer la circulation du virus à la veille de la deuxième vague ».

« Au final, le recours aux tests de détection de la covid-19 a souffert d’une carence de stratégie, à tout le moins d’hésitations, qui a nui à son efficacité comme à la bonne compréhension de ses finalités » ne peuvent que constater les sénateurs.

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