Note de lecture
Depuis des décennies, le domicile est considéré comme le lieu de vie privilégié des personnes âgées. Soutien et maintien à domicile ont été érigés en normes, alors que les politiques gouvernementales ont favorisé la création constante d’EHPAD. Ces derniers, qui auraient dû représenter un véritable « prolongement » du domicile, sont perçus par l’ensemble de la population comme une réponse « institutionnelle et collective », régulièrement critiquée et rejetée.
Des réflexions récentes demandent avec fermeté la fin de la création de ces établissements et de nombreuses actions actuelles favorisent la diversité de la vie des personnes âgées dans des domiciles adaptés, tels que les habitats inclusifs, les résidences-seniors, les résidences-autonomie, et plus généralement les habitats intergénérationnels. Les canicules et les pandémies qu’a connues la société française, et notamment la pandémie actuelle, ont révélé la terrible faiblesse du fonctionnement des EHPAD et la mauvaise adaptation de la politique du maintien à domicile, aboutissant, au niveau national, à un véritable constat d’un « désastre gérontologique ». Parlementaires, experts et surtout personnes âgées affirment désormais une absolue nécessité de développer toutes les formules de soutien et de maintien à domicile et de modifier profondément la nature et la gouvernance des EHPAD. La fin de ces établissements sur leur modèle actuel est-elle réellement enclenchée ? C’est ce que cet ouvrage a pour mission de démontrer.
Un désastre gérontologique
L’impuissance étatique se traduit par une orientation des investissements favorable aux EHPAD, tandis que l’Hôpital voit ses crédits diminuer. En fait l’initiative privée prend le relais d’une action publique déficiente. L’institutionnalisation de l’entrée en EHPAD a été favorisée par la flexibilité des groupes privés cotés en bourse et répondant au vieillissement de la population. De 2009 à 2017 c’est presque 100 000 lits qui ont été créés. Que 21% des personnes âgées prennent ce chemin soit le double de ce qui se passe dans certains pays scandinaves aura pour conséquence un mépris des conditions de prise en charge. C’est l’adage qui trop embrasse mal étreint.
Aussi l’étonnement récent du public devant les carences constatées dans l’organisation des séjours ne peut qu’étonner. Ce sont des rapports multiples qui ont été rédigés par les parlementaires, la Cour de Comptes, les organes de tutelle sur la maltraitance institutionnelle. Jamais l’encadrement des résidents n’a été à la hauteur des besoins et l’épuisement des personnel est à la hauteur de ce constat. Aucune priorité n’a d’ailleurs été assignée en matière de soins de réanimation, d’urgence et de soins palliatifs. Le rôle régalien de l’Etat n’a jamais été défini en dépit d’un amas de textes et de directives votées pour faire semblant de s’occuper des problèmes.
Monsieur Brami s’interroge aussi sur l’incohérence entre la superficie d’une chambre d’hôpital et la chambre d’EHPAD qui en est le prolongement. Il indique que cette superficie est insuffisante et qu’un résident devrait plutôt habiter une structure de 30 mètres carrés afin de préserver un minimum de meubles lui rappelant son ancien domicile.
Les personnes âgées sont laissées et lassées par un abandon lié à ce qu’elles ressentent au quotidien. Avec Le turn-over du personnel, les accidents du travail, l’absentéisme, résidents et personnels partagent le constat des insuffisances organisationnelles et humaines qui nuisent à la qualité de vie.
Les personnes âgées ne souhaitent pas finir leur vie en maison de retraite. Leur résignation n’est pas une adhésion. La majorité d’entre-elles préfèrent vivre seules.
Solutions et préconisations
En 2018, le défenseur des droits rappellera les critiques adressées aux EHPAD, notamment le non-respect de l’intimité, de certaines humiliations, de protections non effectuées ou rarement effectuées, de contentions inadaptées ainsi que de limitations de visites ou de sorties. En 2021, l’analyse de la défenseure des droits constatera une amplification de ce phénomène, entraînant naturellement une extrême méfiance à l’égard de ces structures.
Pourtant, malgré ses multiples défauts et des critiques parfaitement justifiées, l’EHPAD est et devrait rester un élément essentiel de notre politique nationale concernant les personnes âgées.
L’EHPAD qui remplissait à l’origine, dans sa dénomination d’hospice, un simple hébergement, notamment à destination de personnes ayant des difficultés sociales, accomplit aujourd’hui une mission d’accompagnement de vie, d’accompagnement et de soutien aux pertes d’autonomie, d’accompagnement médical, psychologique, et, également, d’une véritable action de « soins palliatifs de nature médico-sociale », et cela lors de la fin de vie de la personne âgée hébergée.
Le maintien à domicile malgré son image positive et ses nombreux avantages ne peut pas constituer une solution à toutes les personnes âgées en pertes d’autonomie. Les investissements nécessaires sont vastes : près de deux millions de logements devraient être adaptés pour des personnes âgées en possibilité de demeurer chez elles dans de bonnes conditions malgré des pertes d’autonomie et l’accès au soin et services est un défi considérable et probablement impossible à relever. L’EHPAD reste donc une bonne et parfois unique solution pour un très grand nombre des personnes âgées et sa logique (concentration des moyens et de personnel professionnel) est parfaitement adaptée à un avenir où les besoins croissent et la main d’œuvre se raréfie et se renchérit.
En conclusion, il apparaît que le domicile représente bien la formule la plus adéquate pour la personne âgée et très âgée et devrait connaître, dans les années à venir, une très forte attractivité, au regard des innovations importantes en termes d’accompagnement de personnes âgées, ainsi que des constats négatifs, réguliers, portés sur les EHPAD. La dernière pandémie, rajoutée aux révélations scandaleuses sur les dysfonctionnements de certains établissements, portés par les réflexions parlementaires sur leurs difficultés de fonctionnement, tout cela devrait à terme conduire à ralentir l’entrée en EHPAD. Cependant, une solution 100% « maintien à domicile » est impossible et ne le sera jamais. Nous aurons donc toujours besoin des institutions de type EHPAD ce qui veut dire que nous sommes obligés de maintenir cette filière avec ses compétences, ses métiers, ses carrières, ses modèles économiques et formations. L’EHPAD est et restera un maillon essentiel de l’écosystème de la dépendance des personnes âgées.