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La Dépendance : vers un élargissement de la contribution des personnes

par muller 13 Octobre 2010, 18:55 Les articles de Référence

 

Billet de présentation

 

Pendant que le débat sur la Réforme des retraites occupe le terrain médiatique, une autre réforme est en cours de préparation, sur le financement du risque de dépendance. Dans les deux cas la Réforme consiste à réduire le rôle de la solidarité pour y substituer de nouvelles ressources. Pour comprendre la teneur de ce dossier, il faut en décrire les principales phases, dans un système d’information bien huilé : 

-      -  Le Président de la République avait souhaité réformer un système décrit comme en bout de course, compte-tenu des perspectives démographiques prévisibles dues à la croissance du nombre des bénéficiaires.

-      -   Un rapport parlementaire de Valérie ROSSO-DEBORD (députée UMP de Meurthe-et-Moselle) est remis au gouvernement en juin 2010 intitulé rapport de la mission de l’Assemblée Nationale sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes,

-      -  Ce rapport succède à plusieurs rapports précédents publiés entre 2005 et 2008, de plusieurs sources différentes, tel le rapport de 2007 de l’IGAS destiné au ministre Pierre Bas.

 

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En présentant la dynamique d’évolution de la dépense, en indiquant les diverses pistes proposées par le rapport parlementaire, puis en présentant les réactions de divers acteurs économiques, ce nouveau dossier devrait améliorer votre compréhension sur le 5ème risque.

 

L’Aide Personnalisée à l’Autonomie : un système de financement jugé à bout de course

L’observatoire national de l’action sociale décentralisée vient de publier un intéressant document qui fait le point sur la progression du coût des actions sociales à la charge des départements. Pour en donner une idée le tableau suivant récapitule l’ensemble des dépenses en en donnant la dynamique d’évolution.

 

 

2000

2004

2009

Aide Sociale à l’enfance

3 900

4 800

5 980

Personnes handicapées

2 530

3 420

4 630

Personnes âgées

1 690

3 340

4 680

RMI-RSA

550

950

1 440

Autres dépenses, dont personnel

2 730

3 870

4 760

Charge nette après apport de l’Etat

11 400

16 380

21 490

Concours CNSA

 

1 280

2 030

TIPP-FMDI (contribution de l’Etat)

 

4 270

5 140

Dépense totale

11 400

21 930

28 660

 

L’APA était de 500 millions en 1989, vingt ans plus tard la dépense atteint le coefficient multiplicateur de 9. En dépit d’un apport de 7 milliards de l’Etat, la dépense des collectivités locales a doublé.

Or la fiscalité locale a ses limites. La quasi suppression de la taxe professionnelle augmentera d’autant la fiscalité à la charge des ménages. Pourra-t-on dans ces conditions continuer à accroître la fiscalité locale ? Ce qui pose aussi la question de l’équité de cette fiscalité. En allégeant continuellement la fiscalité des entreprises au niveau national et local les actions de solidarité finiront par peser sur les seuls ménages. Ce seraient donc les moins pauvres qui financeront les pauvres…

 

La révision des valeurs locatives inchangées depuis des lustres offrira une solution élégante pour résoudre le financement de l’action sociale.

   

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Le projet de financement de la dépendance proposé par Madame Rosso-Debord préconise :

 

  •   un effort "plus équitable" en direction des personnes isolées et des patients atteints de la maladie d’Alzheimer vivant à domicile,
  •  une meilleure prise en compte de la capacité contributive des bénéficiaires de l’APA, en offrant aux détenteurs des patrimoines les plus élevés le choix entre une prestation à taux plein assortie d’un gage et une prestation à taux réduit servie sans condition,
  • la mise en place d’un risque mixte (pour la dépendance), comprenant un premier "socle" de financement par la solidarité nationale et un "étage de financement assurantiel", moyennant une politique fiscale adaptée (par exemple : couplage des contrats d’épargne-retraite avec la couverture du risque dépendance, ou réorientation des produits d’assurance-vie vers la souscription de produits d’épargne-retraite et de couverture contre le risque de dépendance),
  • la création d’une cotisation obligatoire pour tous à l’âge de 50 ans,
  • une modification des règles de gestion, avec le rétablissement d’un partage à parité du financement entre l’Etat et les départements, ainsi qu’une modification des critères de péréquation pour la répartition des financements de la CNSA.

Ce projet marque l’abandon de la création d’une cinquième branche de la Sécurité Sociale. Mais il fait croire que le recours à une nouvelle cotisation, tout comme la récupération envisagée des sommes dépensées au titre de la dépendance (au-delà d’un certain capital à définir), seraient de nature à changer la réalité d’une situation marquée par la faiblesse du montant des retraites. Une récente étude de la DREES vient de donner les chiffres sur la répartition de l’APA selon les lieux de vie et selon le sexe (chiffres sur les statistiques de l’année 2007). Le revenu moyen des personnes est de 1 056 euros.

 

 

Domicile

Etablissements

Total

Effectif

646 000

418 000

1 064 000

Hommes

174 000

105 000

279 000

Femmes

472 000

313 000

785 000

Proportion Hommes

27%

25%

26%

L’âge moyen des nouveaux bénéficiaires de l’APA est de 83 ans, tandis que l’âge moyen de l’ensemble des bénéficiaires de l’APA est de 84 ans.

 

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Les nombreuses réactions au projet

Les premières réactions à ce projet se polarisent autour de la mise en place éventuelle d’une prestation unique dégressive, calculée à la fois en fonction du revenu et de la perte d’autonomie (selon la grille GIR) et ayant vocation à se substituer à l’APA et la PCH. Sont également débattues la participation des bénéficiaires au financement du dispositif ainsi que l’instauration d’un système de "gage volontaire" sur leur patrimoine (un amendement à la loi de finances), la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte.

Les élus locaux se déclarent particulièrement soucieux de la place allouée aux départements concernant le financement et la gouvernance du 5ème risque. Le milieu associatif et les organisations syndicales se montrent particulièrement attachés aux principes ayant guidé la création des quatre branches de la sécurité sociale, à savoir un accès universel aux prestations et une égalité de traitement pour tous. La conjugaison de la solidarité nationale et de la responsabilité individuelle semble être cependant la piste choisie par le gouvernement.

 

La réaction de l’Association des Départements de France

Le Président de l’ADF, Claudy LEBRETON, constate que les propositions contenues dans ce rapport ne sont pas complètement à la hauteur ni de l’enjeu ni des engagements antérieurs du gouvernement. En dépit des promesses du Président de la République, la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale est abandonnée. En procédant ainsi, la majorité présidentielle indique très clairement son refus de financer la dépendance par le biais de la solidarité nationale. Elle va même plus loin en proposant un dispositif basé essentiellement sur l’assurance privée.

En effet, la proposition phare du rapport ROSSO-DEBORD consiste à rendre obligatoire, dès 50 ans, la souscription d’une assurance contre la perte d’autonomie auprès d’un établissement labellisé. Ce système ayant vocation à se substituer peu à peu à celui de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) créée en 2001 et dont les Départements assurent, pour le compte de l’Etat, le versement. Ainsi, alors que les Conseils généraux demandent à l’Etat de revoir sa participation au financement de la dépendance (en 2010, sur 5,7 milliards de dépenses d’APA, l’Etat aura contribué pour 1,5 milliard et les départements pour 4 milliards), les travaux de Valérie ROSSO-DEBORD qui préfigurent la réforme voulue par le gouvernement en appellent aux assurances privées et au recours sur succession.

Ces propositions constituent des mesures en profond décalage avec l’exigence de justice sociale que réclament nos concitoyens les plus fragiles. Elles mettent en cause la pérennité d’un système reposant sur le principe de la solidarité nationale. Si une révision des taux de la CSG vers une meilleure progressivité apparaît indispensable, comme l’évoque d’ailleurs le rapport de la Commission des Affaires sociales, le gouvernement doit redire que le financement de la dépendance relève de la solidarité nationale et doit renoncer aux propositions individualisées de ce rapport.

http://www.cinquieme-risque.fr/

 

Les CCAS précisent leur vision du cinquième risque

L'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) publie une note retraçant sa position sur la mise en place du cinquième risque.  
Plutôt critique, ce document estime que les orientations actuelles du projet, "pour l'heure, s'éloignent des principes défendus par l'Unccas, mais aussi par bon nombre de fédérations du secteur". Malgré cette réserve, l'association rappelle que les CCAS sont "naturellement impliqués" dans la prise en charge de la dépendance, à travers une bonne partie de leurs activités : prévention, services de proximité, diagnostics d'adaptation des logements, gestion d'établissements et de services à domicile... L'Unccas insiste notamment sur le fait que la prestation spécifique dépendance (PSD), puis l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), sont venues renforcer la 'barrière administrative' de l'âge de 60 ans, créant ainsi une séparation artificielle entre le secteur des personnes handicapées et celui des personnes âgées.

Enfin, l'association prend position sur les pistes complémentaires évoquées par le gouvernement, au-delà de la mise en place du cinquième risque proprement dit. Elle se montre ainsi très réservée sur la perspective d'une réforme de l'APA à domicile (avec un recentrage sur les personnes classées en GIR 1 et 2) comme en établissement (avec une diminution des dépenses pesant sur le tarif hébergement pour réduire le reste à charge pour les familles). L'Unccas est plus ouverte sur l'idée d'un recours à l'assurance, sous réserve que celui-ci "reste accessoire à un financement majoritairement public" et se fasse dans un cadre juridique strict, offrant toutes les garanties nécessaires aux souscripteurs de ces contrats. En revanche, les CCAS réitèrent leur ferme opposition à l'introduction - quelle qu'en soit la forme - d'un recours sur succession. L'Unccas s'y oppose "au regard de l'expérience passée de la prestation spécifique dépendance [...] qui avait conduit à une diminution de la demande d'accompagnement de la part des personnes âgées".

http://www.localtis.info/

 

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Les politiques : accord sur le constat, divergences sur les solutions

 Les Départements se plaignent souvent des conséquences des lois de décentralisation sur leur budget. Plusieurs ont même intenté des actions devant les tribunaux administratifs pour obtenir de l’Etat une compensation de charges dont la progression est très rapide.

Sur l’évolution des dépenses à la charge des départements, le constat est unanime de MM. Montebourg à Ciotti, mais leurs solutions divergent nettement. Dans Nice Matin du 13 octobre, Monsieur Ciotti vient d’être chargé par le Premier Ministre d’une mission de réflexion sur les finances des Conseils Généraux. Selon ses déclarations, il est d’accord sur une aide temporaire immédiate en faveur des départements qui seraient le plus en difficulté. Mais il indique qu’à plus long terme la dépendance ne doit plus reposer sur les finances locales. « Il faudra trouver d’autres solutions qui viendront alléger la charge des Départements. Demain il faudra trouver un nouveau mode de répartition entre les familles, l’Etat et les Conseils Généraux »

 

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  Arnaud Montebourg demande à l'Etat le remboursement des aides liées à la décentralisation des budets de l'Etat vers les Conseils Généraux. Il est suivi par 52 Conseils Généraux.

La présentation de nombreuses statistiques au moment où l’on va traiter de la dépendance et de son financement démontre un intérêt certain des pouvoirs publics pour éviter certains dérapages. Il y manque toutefois une mise en perspective de ces statistiques au plan démographique. Un million de personnes c’est peu si l’on en rapporte le nombre à une pyramide des âges. Il s’agit en fait de survivants qui ne représentent même pas deux classes d’âge dans la pyramide. Cette dernière cohorte est constituée de femmes pour 74% dont le revenu est plus faible que celui des hommes, d’où le recours à l’APA…

Comme les naissances sont en effet de 750 000 à 800 000 personnes par an pour une population de 66 millions d’habitants, les données sont imprécises, car elles ne donnent aucune profondeur à une obligation de solidarité intergénérationnelle. Pour 1 million de survivants, combien de millions de personnes ont-elles disparues, dont une partie était constituée par les conjoints des femmes survivantes ?

 

Guy Muller

 

Musée des Beaux Arts de Nice - Inauguration du Christ de Bronzino

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