Monsieur Jean-Michel Galy ouvre le débat
J’en ai marre qu’on m’anime
Colloque du 2 décembre 2010
Organisé par le CCAS de Nice
Messieurs Vercauteren, Hervy et Galy à la tribune
Billet de présentation
Monsieur Galy présente l’objet de la réunion ainsi que les orateurs participants. Ce 4ème débat est l’occasion de modifier la perception qu’a la société des seniors. Il faut dire que la précédente rencontre avec Jérôme Pellissier et Daniel Reguer avait rassemblé beaucoup de monde à Nice. http://dirpareferences.over-blog.com/article-jerome-pellissier-a-nice-la-guerre-des-ages-45712948.html http://dirpareferences.over-blog.com/article-la-duree-de-vie-moyenne-49379197.html
Il en va de même ce jour où l’amphithéâtre de la bibliothèque Nucerra affiche complet. La représentation sociale du vieillissement ne cadre plus avec la réalité des choses réellement vécues par les seniors. L’évolution démographique oblige à regarder de plus près les réalités d’une population en nette croissance et dont l’espérance de vie augmente. Plusieurs thèmes organisent le débat de la conférence du jour.
La densité des débats me conduit à diviser ce texte en deux exposés dont le deuxième sera publié ultérieurement. Guy Muller
Suffit-il, pour réussir sa retraite, de l’occuper ?
Jean-Michel Galy, Conseiller municipal en charge de la citoyenneté des seniors. Auteur du livre des Seniors et des Hommes dont vous trouverez la fiche de lecture en suivant le lien :
Qui dit animation, dit festif, fête et joie… Le senior n’est pas forcément celui qui a le plus de moyens… Le senior est associé à une vision péjorative. La retraite donne du blues et des rides à l’âme… Monsieur Galy en parfait pédagogue attire les rires de la salle lorsqu’il conte sa vision humoristique des stands d’un salon destiné aux seniors à Marseille… Marbrerie funéraire, sécurité, produits pour contrer divers handicaps, stands de maisons de retraite, donnent une vision très triste et alarmiste du vieillissement. Pour contrer ce salon il a l’idée d’en réaliser un prochainement à Nice qui en prendrait l’exact contrepied, avec des voyages, des produits de beauté, des défilés de mode, des appareils de musculation…
Il décrit la difficulté de devoir délimiter le champ de sa mission au service des seniors. En expliquant son choix du thème de la « citoyenneté des seniors » dès sa prise en charge de sa délégation municipale.
Puis il en vient à définir les débats de ce jour. Comment donner de la chair, de la consistance à l’animation ? Ma vacuité est remplie par quelque chose d’extérieur qui me rend passif : télévision, lecture. Certaines personnes remplissent ainsi un vide existentiel. Rentrer dans une association, faire du sport, jouer aux chiffres et aux lettres, c’est souvent tromper les organisateurs de l’association. S’occuper n’est pas une fin en soi, d’où un déphasage entre les attentes des organisateurs d’animation et celles des participants. Toujours avec humour, il demande « pour tous ceux qui atteignent les cent ans, faut-il continuer à les décorer », vu l’accroissement de leur nombre ? Et c’est vrai que les Galy de l’avenir auront des journées très et trop chargées dans la pépinière de vieux de la ville de Nice. Ce qui montre aussi une préoccupation à l’égard de ses successeurs, car notre orateur est un excellent camarade, attentif aux problèmes de demain.
Est-ce que l’occupation suffit à combler une retraite ?
Si l’on se forme pendant les 30 premières années ? Suffit-il de vivre 30 années de fin de vie à s’occuper aux cartes ou aux boules ? C’est oublier de donner du sens à sa vie tout en donnant du senior une vision très péjorative.
En conséquence pour le 3ème âge de la vie, il faut lui donner du sens et de la perspective. Prendre enfin le sens de la dignité humaine !
Même dans la dépendance, il faut conserver une vision de la dignité humaine. Le seul fait d’être « occupé » supprime la dignité en enlevant le sens de la vie. L’apport que chacun peut donner à la société ne doit pas être oublié. Sa conclusion s’impose d’elle-même.
« Je peux témoigner de la beauté de l’existence humaine. Cela valait le coup de vivre plus longtemps… »
Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable
Richard Vercauteren, Sociologue, Directeur de l’Institut de Gérontologie de l’Ouest, Nantes.
Il parle des multiples images de la vieillesse. Les changements des appellations du secrétariat d’état aux « personnes âgées », aux « aînés », à la « dépendance », montrent bien une indécision de la part des politiques. Pour ma part, je parle des vieux sans me soucier des modes. Je ne rejette d’ailleurs pas du tout le mot vieux qui décrit une situation effective. S’il faut travailler plus longtemps parce que l’on vit plus vieux, il faudrait que les femmes travaillent 7 années de plus, pour rétablir l’équité. Il devrait en aller de même pour les personnes exerçant des métiers pénibles (NDLR).
Attention aux slogans et autres tautologies. La sociohistoire de l’animation dépend de l’évolution des groupes humains. Les vieux de mon village n’avaient pas besoin d’être animés à Embrun. Une solidarité existait avec des collaborations : courses, entraides diverses.
Dans les années 60-70, l’animation des loisirs apparait. Les personnes âgées aiment bien manger et voyager, d’où l’organisation de loisirs basiques. La crise pétrolière vient rationaliser la société autour de l’utilité : il y a les personnes utiles et les personnes inutiles. Il fallait laisser la place aux jeunes car les entreprises se modernisaient et dégraissent : sidérurgie, automobile. Ce qui conduit à la création de l’animation occupationnelle. Pour occuper le temps de ceux qui en avaient le moins puisqu’ils étaient en fin de parcours.
La période intermédiaire arrive : entre vieillesse utile et personnes atteignant le très grand âge. Il y a donc plusieurs catégories à animer, y compris les personnes atteintes par Alzheimer.
Plus on devient dépendant, moins l’on peut s’opposer à l’animation.
Il cite des propos entendus dans une maison de retraite. « Vous allez à l’animation ? Oui, je dois y aller car on insiste tant pour que j’y aille !! » Il faut dire que la prestation d’animation a été payée en EHPAD, il faut donc rentabiliser cette dépense !!
Quelles limites ?
Projection de l’estime de soi. Line Renaud chante encore en dépit de son âge. Nous sommes limités par nos capacités physiques.
La question de l’autonomie sociale est un pouvoir pris en compte par l’animateur :
- Le pouvoir de décider,
- Le pouvoir de s’opposer,
- Le pouvoir de choisir,
- Le pouvoir de résister.
« Je paie suffisamment cher ma maison de retraite ».
Je suis animé ou je m’anime moi-même, ce qui débouche sur l’autonomie sociale.
Pendant le débat, un interpellateur vient faire souffler le vent du cours Saleya et de la Socca....
Considérations sur l’autonomie
- L’autonomie sociale : recours à la grille GIR. Définition de notre mode de vie.
- Autonomie physique,
- Autonomie psychique,
Constats
- La population des plus de 50 ans est de plus en plus hétérogène : baby-boomer à 56 ans, aîné à 58 ans, senior à 61 ans, vétéran à 68 ans, ancien à 68 ans. Il montre une gravure de 1830 qui décrit le vieillissement : Age caduc, décrépitude, imbécilité à 100 ans.
- Des répercussions immédiates car l’espoir de vivre plus longtemps nécessite une organisation. Il y a en fait 4 étapes dans la retraite :
- 2 ans pour la transition,
- 17 ans pour une retraite active,
- 4 ans de ralentissement,
- 2 ans de perte d’autonomie.
On peut demander à être animé lorsque l’on prend moins de vacances, lorsque l’on prend moins soin de soi, avec moins de pratiques culturelles, quand on a moins d’intérêt pour le monde extérieur ou pour la vie citoyenne.
Etre retraité n’est pas nécessairement être vieux.
Il faut résister aux images données par les médias. Résister au penchant de se replier sur soi.
Entretenir sa santé sur le plan physique. Prendre conscience qu’il est temps de chausser ses bottes de sept lieues et de profiter du temps qui reste. Selon un dernier sondage 87% des retraités ne souhaitent pas être animés.
Pour que le ticket reste valable il faut réorganiser sa vie et entrer dans le monde du temps libre. Face à l’indécision : l’action.
Résister pour imposer sa différence. On a toujours été animé !! Pourquoi refuser l’animation ? Avons-nous autant de choix à 70 ans qu’à 40 ? L’individu âgé est animé le jeune aurait lui le choix de son animation. La désertion des salles publiques, du cinéma est citée comme liée à l’âge. Toutefois le cinéma ne donne pas toujours le choix des programmes surtout destinés à une jeune population.
Regarder la télévision est une activité de plus en plus prisée : 93% des 60 ans ou plus la regardent. La vie citoyenne chute après 69 ans.
Etre animé ou non c’est surtout disposer d’un projet de vie. Projet pour vivre en fait. Il faut se donner des objectifs faire le point sur les plaisirs et attentes.
En conclusion. Le choix est possible jusqu’à ce qu’il devienne impossible. L’animation devient importante lorsque l’on en a besoin. Vivre c’est vaincre.