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Le niveau de vie des retraités pourrait bientôt être plus faible que celui des actifs

par Guy Muller 10 Janvier 2021, 19:45 Les sites de REFERENCE

 

Dans son rapport annuel, le Conseil d’orientation de retraites (COR) analyse le niveau de vie des retraités. Et pour la première fois depuis longtemps, dans les années 2020, il devrait repasser en dessous de celui des actifs.

La tendance serait-elle en train de changer ? Si en 2018, le niveau de vie moyen des retraités était légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population, cela pourrait bientôt devenir l’inverse. Si l’on analyse sur le long de terme, le niveau de vie relatif des retraités, soit le rapport entre leur niveau de vie et celui de l’ensemble de la population, “est resté stable depuis 1996, alors qu’il avait fortement progressé depuis 1970 ; il devrait diminuer à long terme”, détaille le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (Cor) rendu public le jeudi 26 novembre. Une première donc depuis plus d’une vingtaine d’années. “C’est la situation actuelle qui est anormale, pointe Maxime Sbaihi, économiste et directeur général de GenerationLibre, think-tank libéral. La France est l’un des rares pays où le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs”.

En 2018, le niveau de vie moyen des retraités s'élevait à 2.100 euros, un chiffre qui prend en compte la pension mais aussi les revenus du patrimoine ou encore la fiscalité. Il était légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population (2,9 points). L’une des principales raisons était liée au fait que depuis plusieurs dizaines d'années, le niveau des pensions versées augmentait de façon régulière. C’est ce que l’on appelle l’effet noria. Traduisez : les nouveaux retraités ont en moyenne des pensions plus élevées que les générations les plus anciennes, car ils ont des revenus plus importants. Si ce mécanisme devait perdurer dans les prochaines années, il ne serait pas suffisant pour permettre aux retraités de maintenir un niveau de vie supérieur à celui des actifs.

Les différentes réformes des retraites font qu'aujourd'hui, les nouveaux retraités bénéficient d’un taux de remplacement, soit la différence entre la moyenne de leur revenu et celle de leur pension, moins intéressant que leurs aînés. “La réforme d’Édouard Balladur en 1993 qui indexe les salaires pris en compte dans le calcul de la pension ainsi que les retraites sur l’inflation, et non sur le salaire moyen, est l’une des raisons principales de ce rattrapage”, analyse François Ecalle, ancien rapporteur général de la Cour des comptes et président de Fipeco, site d’informations sur les finances publiques. Comme la plupart du temps le salaire moyen évolue plus vite que l’inflation, les retraités ont perdu, au fil des ans, du pouvoir d’achat.

L’érosion de ce pouvoir d’achat a aussi été amplifiée par la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) en 2018 et la non-revalorisation des pensions de base et de la complémentaire pour les ex-salariés du privé. ”L’effet va aussi venir de la réforme Touraine qui allonge la durée de cotisation nécessaire pour obtenir le taux plein. Certains actifs pourraient décider de partir plus tôt même s’ils ont une décote et donc avec un niveau de pension plus bas”, ajoute François Ecalle. A noter toutefois que la hausse de la CSG a été atténuée par l’allègement de la taxe d’habitation à partir de 2018 pour les 80 % des ménages les plus modestes : une mesure qui a bénéficié aux retraités à revenu intermédiaire qui n’en étaient pas exonérés auparavant, contrairement aux retraités les plus modestes. Par ailleurs, les retraités les plus aisés ont pu bénéficier en 2018 de l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sur les revenus du patrimoine financier.

 

Une moyenne à observer de près

Comme les revenus du patrimoine sont à l’origine de l’écart entre actifs et retraités, encore faudrait-il mesurer l’importance des écarts de revenus entre retraités, car une vingtaine de milliardaires retraités sont susceptibles de déplacer le curseur vers le haut. Un autre élément n’est pas pris en compte dans l’écart de revenu : les actifs sont regroupés en un seul groupe. C’est dire que les actifs du premier mois de travail pèsent autant que les actifs à la veille de leur retraite. Et l’injustice relevée entre actifs et retraités tend à accorder autant à un actif au premier jour ou mois d’activité qu’à celui qui est en fin de carrière. Or l’évolution des rémunérations tend à accorder une rémunération plus élevée au fur et à mesure que l’on progresse en connaissances et en ancienneté. Ce raisonnement met en cause toutes les conventions collectives pourtant négociées et renouvelées chaque année par les partenaires sociaux.

D’après le Cor, les retraités devraient continuer à avoir un niveau de vie moyen légèrement supérieur aux actifs jusqu’au milieu des années 2020. La crise du Covid devrait même, pendant une courte période, amplifier ce phénomène. En 2020, le niveau de vie des retraités rapporté à celui de la population augmentera pour atteindre 104% car l'inflation évolue plus vite que les salaires moyens. Ensuite, le rapport s’inverserait. Si la pension moyenne devait continuer d’augmenter, la hausse serait moins rapide que celle des revenus. En fonction des scénarios de croissance du Cor, l'augmentation des pensions pourrait être comprise entre 21 et 46% entre 2018 et 2070 alors que celle des revenus serait comprise entre 68 et 134%. Ainsi, alors que la progression annuelle de la pension serait comprise entre 0,4 et 0,7%, celle des revenus serait comprise entre 1 et 1,6%.

Si l’on élargit l’analyse sur le long terme au niveau de vie des retraités, le constat est le même. Le niveau de vie moyen des retraités rapporté à celui de l’ensemble de la population s’établirait entre 88 et 92% en 2040 et entre 75 et 83% en 2070, alors qu’il est proche de 103% aujourd’hui. “Cet indicateur retrouverait alors des valeurs comparables à celles qu’il prenait dans les années 1980”, rappelle le Cor. “Avec le déséquilibre démographique et l’arrivée des baby-boomers à la retraite, le coût des retraites est de plus en plus élevé pour les actifs. Il faut se poser la question de savoir si on continue à faire peser le poids financier sur les actifs qui devront cotiser plus, si l’on incite à travailler plus longtemps ou si l’on demande un effort.

Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités
Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités
Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités
Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités
Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités
Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités
Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités

Le COR sert à traquer les mamifères dont les Retraités

La crise économique de 2020 aggrave encore la situation

Le rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR) rejoint le rapport Vacher. L'état des lieux a été révélé par le Ministre des Finances : 2020 sera, pour les finances de nos retraites, une année calamiteuse. Le déficit prévu est d'un peu plus de 23 milliards d'euros. L'essentiel étant porté par le régime de base, celui de la Sécurité sociale.

En cause, une chute de 5,1% des cotisations versées à cause de la diminution de l'emploi salarié et des reports et annulations de charges. Mesures consenties aux entreprises en difficulté en raison du confinement. Cependant, ces calculs ne prennent pas en compte le second confinement. Les recettes sont en baisse alors que les dépenses, c'est-à-dire le versement des pensions, n'a diminué que de 0,1%. Mécaniquement, comme le PIB de 2020 va diminuer fortement, la part des retraites dans la richesse nationale française va passer de 13,6% en 2019 à un peu plus de 15% en 2020.
 
Selon les scénarios envisagés, il faudrait attendre 2040 à 2070 pour retrouver des comptes dans le vert. Notamment que la dernière réforme en cours, celle de Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales de François Hollande, entre en vigueur et porte ses fruits. Elle prévoit que tous les actifs nés à partir de 1973 verront leur durée de cotisations augmenter progressivement.

 

Une réforme adoptée avant la présidentielle 2022

Dans son rapport, le COR en revient aux traditionnels trois leviers. D'abord la baisse des pensions. Politiquement explosive, elle devrait être de 3,2% si l'on veut retrouver l'équilibre en 2030. Ensuite, l'augmentation des cotisations. Toujours risquée, car elle renchérit le coût du travail, et détruit donc des emplois. Elle devrait être de 2,1 points pour résorber le déficit en 2030. Enfin, l'augmentation de la durée de la carrière. Elle réduit les dépenses du régime en retardant la date de la retraite, et augmente ses recettes en allongeant la période de cotisations. Pour obtenir le vert en 2030, il faudrait porter l'âge de la retraite à 64,2 ans.
 
Le gouvernement avait entrepris une réforme en ce sens, mais celle-ci a été interrompue par l'épidémie. Cependant, l'Élysée a la ferme intention de la remettre sur les rails. Il s'agirait même du seul champ qui subsiste pour réformer la dépense publique après l'épidémie. L'image d'un président réformateur ne peut pas tenir si Emmanuel Macron abandonne ce projet-symbole. Y compris dans son aspect le plus désagréable : l'allongement de la durée de la carrière. Il est également plus souhaitable d'avoir ce sujet derrière soi au moment de la prochaine campagne présidentielle, pour ne pas subir les reproches d'immobilisme.

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