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La loi SRU non respectée

par Guy Muller 6 Décembre 2023, 17:02 Les sites de REFERENCE

 

La fondation Abbé Pierre publie ce jour 6 décembre un rapport alarmant sur la situation du logement en France. Après trois années sombres pour le logement social, des centaines de communes hors-la-loi.

 

DES RÉSULTATS GLOBALEMENT EN BAISSE

Le tableau d’ensemble s’avère très décevant. Sur 1 031 communes soumises à la loi SRU, 659 communes n'ont pas atteint leurs objectifs 2020-2022, soit 64 % des communes, alors qu’elles n’étaient que 47 % dans ce cas-là trois ans plus tôt. Dans le détail, 646 communes n'ont pas atteint leur objectif quantitatif, soit 63 % des communes. Et 356 communes n'ont pas atteint leur objectif qualitatif, soit 35 % des communes.

 

Au total, alors que les objectifs agrégés de production Hlm étaient de 278 177 logements, seuls 186 124 ont été produits dans la période (40 000 de moins qu’en 2017-2019). Globalement, à l’échelle de l’ensemble des communes SRU, le taux d’atteinte est donc de 67 %, en chute par rapport aux périodes triennales précédentes (116 % en 2017-2019 ; 106 % en 2014-2016). Cette dégradation est imputable à plusieurs facteurs. Tout d’abord, de par le retard accumulé depuis 2000, les objectifs fixés aux différentes communes deviennent de plus en plus élevés.

En effet la période triennale 2020-2022 était l’avant-dernière prévue par la loi de 2013 avant d’atteindre les objectifs de 20 ou 25 % de logements sociaux en 2025.

Les communes étaient donc censées combler la moitié de leur retard en trois ans, ce qui devenait très difficile pour celles qui stagnaient encore à quelques pourcentages de logements sociaux. Depuis, l’entrée en vigueur de la loi 3DS, qui prolonge la loi SRU, a aménagé ces objectifs pour les adapter au retard accumulé.

 

Mais l’ambition de l’objectif 2020-2022 n’explique pas tout. Cette période couvre en effet des années très négatives au niveau de la production Hlm en général, toutes trois situées en-dessous des 100 000 logements sociaux financés par an dans le pays. Cela peut s’expliquer en partie par la période de Covid, mais aussi par une politique gouvernementale très défavorable au logement social, avec depuis 2018 la hausse de la TVA et la ponction dite « Réduction de loyer de solidarité » (RLS) qui consiste pour l’État à prélever chaque année 1,3 milliard d’euros sur les fonds propres des organismes Hlm. De plus, la conjoncture est devenue moins favorable en 2022 avec la montée des taux d’intérêt, mais aussi une hausse des prix de l’énergie et des matériaux, dans un contexte de rareté foncière accrue et parfois de frilosité, voire d'opposition, de certains élus locaux face à la production Hlm.

Parmi les 12 villes de plus de 100 000 habitants concernées, une seule a respecté ses objectifs légaux : Montpellier. Paris a réalisé un peu trop de logements peu sociaux (PLS) mais a atteint son objectif de 25 % de Hlm et sort donc de la loi SRU. A l’inverse, mention spéciale pour Boulogne-Billancourt et Nice, qui n’ont atteint leur objectif triennal qu’à hauteur de 13 %. Quant à la ville de Toulon, dont le préfet dénonce « un volontarisme inexistant », elle n’a respecté que 19 % de son objectif.

La loi SRU non respectée

Au terme de cette période, les préfets doivent décider de sanctionner ou non les villes en retard, et font preuve d’une sévérité très inégale. La ville de Nice, qui avait fait l’objet d’une incompréhensible tolérance de la part de l’État lors des bilans précédents, sera enfin proposée à la carence cette année. En revanche, certaines grandes villes de la région PACA échappent encore à la carence malgré des résultats objectivement faibles, comme Aix-en-Provence (47 %), Cannes (39 %) ou Marseille (38 %). Enfin, parmi les 12 communes « multirécidivistes » qui avaient été systématiquement carencées depuis le vote de la loi SRU en 2000, aucune n’a réussi à atteindre ses objectifs et à redresser la barre.

 

Il est donc indispensable d’accroître la pression sur les communes de mauvaise volonté, notamment dans la région PACA, et de renforcer le soutien financier de l’État à la production Hlm, après des années de désengagement.

D’autres sont très loin du compte, en particulier la région PACA, qui a atteint globalement 26 % de la production Hlm visée. Un chiffre bien plus bas que lors de la période triennale précédente (63 %).

 

Les communes SRU de la région PACA semblent s’affranchir largement de la loi SRU, puisque 158 des 166 communes de la région n’ont pas atteint leurs objectifs, soit 95 % d’entre elles (83 % en 2017-2019). Ce manque de volonté parfois revendiqué n’est pas nouveau dans cette région, mais semble encore se renforcer ces dernières années.

91 des 166 communes soumises à la loi SRU dans cette région stagnent encore sous la barre des 10 % de logements sociaux. La plupart de ses grandes villes se distinguent par des taux d’atteinte particulièrement bas de leur objectif de production, qu’il s’agisse de Marseille, Nice, Aix-en-Provence, Cannes ou Toulon…

 

 

Nice un cas particulier de négligence sociale

 

La ville de Nice avait fait l’objet d’une incompréhensible tolérance de la part de l’État lors des bilans précédents ; à tel point que le Parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête pour « concussion ». Cette fois-ci, la ville est enfin proposée à la carence. Il est vrai que son taux d’atteinte de l’objectif triennal, de 13 % seulement, était moins conforme encore. (29 %). En revanche, de grandes villes de PACA échappent encore à la carence malgré des résultats objectivement mauvais, comme Aix-en-Provence (47 %), Cannes (39 %) ou Marseille (38 %).

Certaines communes riches d' Île-de-France comme Vincennes ne se verraient pas carencer avec un taux pourtant très faible de 16 % d’atteinte de leur objectif. La commune a certes adopté une « servitude de mixité sociale » obligeant à produire 30 % de logements sociaux pour les opérations de plus de 20 logements, mais elle pourrait adopter des seuils plus exigeants pour combler son retard malgré son manque de foncier. D’autres communes franciliennes échapperaient à la carence malgré des taux d'atteinte très faibles.

 

Comme le dit l’abbé Pierre en 2006 à l’issue de son dernier combat qui avait permis de sauver la loi SRU : « Faites pression sur les élus pour qu'aucun ne s'abaisse à cette indignité de ne pas respecter la loi ».

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