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Un nouveau coup tordu pour la réforme des retraites

par Guy Muller 15 Novembre 2023, 12:38 Les sites de REFERENCE

 

Le gouvernement a remercié sèchement Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Matignon a assuré qu’il ne s’agissait pas d’une sanction. Le président sortant avait pourtant été, par ses propos et ses analyses, une épine dans le pied du récit gouvernemental au moment de la récente réforme des retraites. Souvenons-nous qu’il ne voyait aucune urgence à réformer les retraites sur la base même des conclusions du rapport du COR.

L’heureux nouveau désigné n’est autre que Gilbert Cette, un économiste orthodoxe professeur à l’école de commerce Neoma et à l’université d’Aix-Marseille, et compagnon de route historique de la Macronie.

Lors de la campagne de 2017, il avait signé la tribune des économistes soutenant la candidature d’Emmanuel Macron à la présidence de la République publiée dans Le Monde. On y trouvait notamment cette envolée lyrique et fort optimiste : « La nouvelle croissance, proposée par Emmanuel Macron, repose sur le progrès et l’innovation, c’est-à-dire la création en permanence de nouvelles technologies, de nouvelles activités, de nouveaux biens et services de meilleure qualité et de nouvelles façons de produire plus économes en énergie. »

Une fois son poulain élu à l’Élysée, l’économiste a été nommé à la tête du comité d’experts sur le salaire minimum qui, systématiquement depuis, prône l’absence de tout « coup de pouce » au Smic, c’est-à-dire de toute augmentation au-delà de la hausse légale. C’est ainsi un membre du cercle proche de la présidence qui prend le contrôle d’une instance censée être indépendante. Adepte des comparaisons internationales, souvent utilisées pour justifier les réformes en faveur du capital, Gilbert Cette défend depuis longtemps une remise en cause du niveau qu’il juge trop élevé du Smic et de ses méthodes de revalorisation. En 2018, il proposait, dans le cadre du comité d’experts sur le Smic, de réduire la revalorisation du salaire minimum, voire de le désindexer de l’inflation. Il le faisait au nom de la compétitivité et de la boucle prix-salaires.

 

Un soutien appuyé de la réforme des retraites de 2023

Avec ses orientations, Gilbert Cette ne pouvait être qu’un adepte de la réforme proposée par Emmanuel Macron en début d’année 2023. Le report à 64 ans de l’âge minimal de départ à la retraite répondait à plusieurs obsessions de cet économiste technocrate : la lutte contre les déficits, l’allongement du temps de travail, l’obsession d’une croissance « mécanique » liée à la quantité de travail.

Car, dans le monde merveilleux de cet économiste de tableaux, le report de l’âge de départ à la retraite augmente automatiquement la quantité de travail fourni, et donc le PIB. Dans un texte publié dans Les Échos en octobre 2022, Gilbert Cette estimait ainsi que la réforme des retraites permettrait d’augmenter « la richesse moyenne produite par habitant, ce qui à la fois financerait une hausse du pouvoir d’achat moyen et, à taux de prélèvement inchangés, serait source spontanée d’impôts et taxes qui donnerait des marges de manœuvre saines à la politique économique ». Mais peu importe, Gilbert Cette a, durant le débat sur la réforme des retraites, défendu bec et ongles la réforme. Et c’est bien un des points les plus troublants de cette nomination : Gilbert Cette n’est pas resté neutre dans le débat sur les retraites. Il a été un des défenseurs les plus acharnés de la réforme.

Avec une telle nomination, il faut bien en convenir, le COR rentre désormais dans le giron du pouvoir. C’est une mise au pas en règle, avec la nomination d’un président qui a toujours défendu les positions gouvernementales. Le but est évident : il s’agit de produire des analyses « indépendantes » qui soient en accord avec le récit recherché par l’exécutif et d’éviter que ne se reproduisent des épisodes comme ceux où Pierre-Louis Bras a ouvertement mis en échec ce récit.

Il convient ainsi de voir cette nomination pour ce qu’elle est : un épisode de plus dans la lente et continuelle dérive autoritaire d’un pouvoir qui ne supporte pas de se voir soumis à une contradiction et qui ne tolère « l’indépendance » que tant qu’elle lui donne raison. Jusqu’ici, le pouvoir niait et ignorait les études n’allant pas dans le sens de sa politique et montrant son caractère irrationnel. On a désormais, avec l’arrivée de Gilbert Cette à la tête du COR, franchi un cap : ce que l’on souhaite, ce sont des experts aux ordres.

Le couvercle du cercueil de la réforme des retraites sera bien refermé grace à un vice (vis) supplémentaire

Le couvercle du cercueil de la réforme des retraites sera bien refermé grace à un vice (vis) supplémentaire

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