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L’hécatombe

par Guy Muller 10 Avril 2020, 16:01 Flash

 

Tous les soirs nous apprenons l’avancée des nouveaux chiffres de victimes du coronavirus. Encore faut-il interpréter ces chiffres et leur donner du sens. Ce n’est qu’après une semaine que nous avons appris le nombre de décès dans les EHPAD.

En milieu hospitalier avec 8 000 cas se rapportant à une population de 66 millions de personnes, la fréquence est de 0,012%

Avec 4000 cas sur les 750 000 personnes en EHPAD, la fréquence est de 0,533 soit 44 fois plus de malchance que dans l’échantillon national. En général, les statistiques prennent surtout en compte les morts dans les hôpitaux et excluent la plupart des décès à domicile.

En confinant les personnes âgées dans des structures à faible encadrement leur mort a été programmée :

  • Par le refus d’hospitalisation,
  • Par l’absence de protections données au personnel,
  • Par l’absence de tests suffisamment nombreux,
  • Par l’isolement organisé des personnes âgées.

Avec 0,5 encadrant qui est la moyenne en France on avait déjà du mal à assurer des lavages quotidiens et un appui lors des repas. Ce sont souvent les familles qui veillaient à nourrir les anciens. Et le confinement a détruit une chaîne de solidarité. Toutefois l’infection se généralisant, allant jusqu’à concerner 20 à 30% des soignants, il n’était plus possible de faire grand-chose. Cela au détriment du dernier lien téléphonique encore existant.

Le nombre de morts à domicile viendra encore plus accentuer la différence et montrera un ciblage des victimes. La suppression de 17 000 lits en hôpital entraîne bien un tri défavorable aux plus de 70 ans. 

"Make America Great Again"

L’hécatombe
L’hécatombe
L’hécatombe

 

Monique Pelletier s'exprime dans une tribune libre du Monde

Le sort des « vieux » en Ehpad est dramatique

Pour l’ancienne ministre à la condition féminine, il est urgent de traiter de manière digne et humaine les personnes âgées privées d’autonomie. Il aura fallu que des centaines de « vieux » en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) meurent en quelques jours du Covid­19 pour que l’opinion s’intéresse enfin à eux. On a d’abord « oublié » de publier le nombre quotidien de leurs décès, réservant cette publication aux seuls morts à l’hôpital, et cela pendant plus d’une semaine. On apprendra finalement que plus de 3 000 d’entre eux sont déjà morts en Ehpad. Les conditions de vie de ces résidents face au virus sont incompréhensibles et, pour tout dire, inhumaines. Chacun d’entre eux a été cloîtré dans sa chambre depuis plus de six semaines sans pouvoir en sortir, donc sans contact avec les autres résidents et sans recevoir aucune visite des siens. Les soignants, dont on sait qu’ils ne disposent chaque jour que de très peu de temps pour chacun, sont malheureux de ne pouvoir les accompagner. Lorsque la situation des malades s’aggrave et que, hélas, leur décès est prévisible, leur transfert à l’hôpital n’est pas possible, et aucun membre de la famille n’est autorisé à les entourer dans cette triste période. La douleur des familles soumises à cette absence est immense. Ces faits révèlent à quel point le sort des « vieux » en Ehpad est dramatique. Bien entendu, sur les milliers d’établissements en France, il en est où la vie est douce pour les résidents, mais ces exceptions sont trop rares. Aux Ehpad « à bout de souffle », devrait se substituer plus ou moins vite, plus ou moins facilement, une nouvelle façon de s’occuper des personnes âgées privées d’autonomie, qui seront en France plus de 4 millions en 2050.

 

 Pour un plan dépendance

Ce sont notamment les Ehpad à domicile, dont les expérimentations en cours s’avèrent fort intéressantes et répondent aux vœux des personnes concernées. Ils se développeront très probablement. Ceux­ci seront rattachés à un Ehpad central, d’où, en général et pour le moment, s’organise l’Ehpad à domicile. C’est là que sont recrutés les aides­soignantes et aides­soignants adressés aux personnes dépendantes qui ont en ont fait la demande ainsi que les médecins, kinésithérapeutes, auxiliaires de vie, aides ménagères. Les « aidants », qui jusqu’à présent prodiguaient tous les soins, seront dès lors disponibles pour dispenser l’affection dont les personnes en fin de vie ont tellement besoin. Cette organisation se déroule dans une ou deux communes au maximum et à la campagne dans des rayons de 10 km. Ces expériences sont encore rares puisqu’il y en aurait seulement une vingtaine en France. Les responsables estiment à cinq ans le temps nécessaire pour analyser le dispositif.

 

On ne cesse de discourir sur le financement de la dépendance.

La création d’un « cinquième risque » a été annoncée par les présidents qui se succèdent à l’Elysée. De multiples rapports ont fait état de la situation actuelle et ont évoqué chacun des solutions intéressantes. L’ancienne ministre du travail Myriam El Khomri, qui a été chargée en juillet par l’actuel gouvernement d’une mission sur l’attractivité des métiers du grand âge, a récemment proposé un renouveau de ces métiers afin de les rendre moins pénibles, avec d’excellentes nouvelles solutions, notamment la suppression du concours d’entrée, la gratuité de la formation des aides­soignants, l’apprentissage, l’augmentation de leur rémunération et la possibilité d’une promotion par un diplôme en gériatrie. Les « vieux » resteront­ils encore longtemps les mal­aimés de notre société ? Il est grand temps d’agir ! Le débat national n’a guère évoqué le sort que notre société a réservé à nos vieux, qu’ils soient ou non dépendants : ils sont pourtant de plus en plus nombreux. Mais qui les voit, qui leur parle ? Qu’ont­ils à dire ? Ils se sentent fragiles et, pour nombre d’entre eux, coupables de vivre si vieux. Cela n’est pas admissible. Vivement qu’un plan dépendance soit lancé. Le nouveau coronavirus aura mis en lumière de manière très crue les mouroirs dont nous ne nous préoccupions guère. 

 Monique Pelletier a été ministre déléguée à la condition féminine (1978-1981) et membre du Conseil constitutionnel

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